Le soir du 18 Novembre, Madeleine sent le mystérieux attrait qui l'appelle au rendez-vous.
Elle en parle à son père, qui s'offre à l'accompagner.
En face du rocher au lierre, ils s'agenouillent l'un à côté de l'autre, un peu écartés d'un groupe de personnes qui prient, elles aussi avec ardeur, sans faire attention à eux.
Madeleine et son père commencent la récitation de leur chapelet, chacun en particulier. Bientôt un tressaillement soudain annonce la vision. Le visage de Madeleine pâlit, son œil brille. Le père approche sa lanterne de sa fille. Il la contemple dans sa pâleur radieuse, dans la béatitude de son regard perdu au sein des beautés et de la gloire de la Vierge Marie. Ravies d'admiration, les autres personnes regardent en silence et prient.
L'Apparition dure depuis une demi-heure, quand il vient à Madeleine, la pensée de regarder son père, afin de savoir s'il lui aussi voit la belle Apparition. Mais aussitôt, avant qu'elle ne se retourne, elle entend sa voix tout émue dire : « Oh ! Comme Elle est belle ! Oh ! Comme Elle est belle ! Oh ! Quelle inexprimable bonté sur ses lèvres divines ! »
Les autres voyants sont tous là, bouche bée, écarquillant bien les yeux, tout le bonheur est cette fois est pour Madeleine et son père.
Le lendemain de l'Apparition, Madeleine en fait le récit à son bon curé, M. J. B. ALBERTINI, dans les termes suivants : « Aux premiers rayons qui annoncèrent la Très Sainte Vierge, je n'ai plus rien vu, ni rochers, ni croix, ni personnes des nombreux pèlerins présents, pas même mon père, mais seulement la Vierge rayonnante, rien que la Vierge rayonnante, rien que la Vierge auréolée de gloire, ses doux regards et ses beaux sourires ».
Elle me fit le récit de sa magnifique vision, avec une impression communicative de réelle félicité. J’en conclu qu’elle est aux anges qu’elle ne peut exprimer toute la joie qui remplit son cœur…
L'heureuse privilégiée devait revoir sa divine Mère le 25 février 1900, comme il sera relaté en son temps.
Parlant de son père, décédé le jour de sa fête, le 3 décembre 1899, ainsi que le bon Ange de Lelléna l'en avait avertie, elle disait : « Mon père l'a vue comme moi, la Bonne Mère, il ne l'a vue qu'une fois, mais le bonheur qu'il a éprouvé depuis ce moment a été si grand, qu'il est mort de çà ! Il s’est écrié : Oh ! Comme elle est belle ! Oh ! Quelle inexprimable bonté sur ses lèvres divines ! »
Dans une lettre qu'elle m'écrivit deux mois plus tard, de l'Abbaye d'Erbalunga, où elle était entrée en qualité de postulante le 21 Janvier 1900, Lelléna eut la bonne grâce de me parler encore de la vision de son pauvre père décédé : « Depuis ce jour-là, 18 Novembre 1899, le cœur de mon pauvre père était constamment tourné vers la beauté qu'il avait vue. Durant les quelques jours qu'il avait encore à vivre sur cette terre de larmes avec nous, on entendait souvent s'échapper de ses lèvres : Oh ! Vierge Sainte, soyez à jamais bénie de m'avoir accordé une grande grâce avant de mourir ».
Propos de J.B. ALBERTINI, curé de Campitello.